Noise

Composition numérique humaine à partir de matériaux visuels générés par modèles de diffusion dits intelligents. Travail sur le bruit visuel comme étape intermédiaire de ce type de génération, et symbole de l’émergence du langage.

Cette pièce est une représentation fictionnelle du processus qui est à l’origine des images générées par les intelligences artificielles. Ici, c’est Dall-E qui s’en est chargé, sans que les rendus bruts n’en constituent la finalité.

Il était important que le résultat final propose un degré de détail et de complexité supérieur à ce que l’intelligence artificielle elle même était en mesure de proposer alors, tout en évoquant la genèse du processus dans sa dimension chaotique et aléatoire.

Les éléments individuels initiaux (ossements et glyphes alphabétiques) ont été générés à partir de commandes textuelles très simples, pouvant ressembler à celles-ci :

extra-bold futuristic asemic alphabet glyphs, black background, scifi, hud, asset, geometric, graphic design

shamanic futuristic asemic script alphabet, hud, rows, columns, black background

various isolated futuristic metallic bones, pure black background

various isolated sacred scifi metallic bones, pure black background

Pour générer de telles images à partir de commandes aussi simples, la machine prend toujours comme point de départ une image faite de bruit (carré de pixels entièrement aléatoires, comparables à la neige visible sur un écran cathodique privé de signal). Ce bruit visuel peut-être envisagé comme un symbole de chaos initial, une entropie, la mort ou l’abysse primordiale d’où est issue le monde physique.

L’algorithme cherche ensuite à rendre cette image purement chaotique plus nette, à déceler ce qui se trouve en dessous en réorganisant les pixels étape par étape, orientée dans ce processus par les mots clés et la syntaxe qui lui a été fournie. Cela lui est permis par un long processus d’entrainement préalable, lors duquel il aura analysé des milliards de textes et d’images pour savoir ce qui correspond à quoi.

Le processus est donc celui d’une réorganisation progressive de matière brute chaotique grâce au langage. Le geste qui donne naissance à ces images devient alors un travail d’écriture, proche d’une forme de poésie minimaliste, permise par le remplacement du code informatique par le langage naturel humain, désormais de mieux en mieux compris et interprété par les programmes.

Plusieurs centaines de ces planches alphabétiques et squelettiques ont été générées, organisées, triées, puis les éléments individuels qu’elles contenaient ont été isolés à la main, classés d’après une chronologie subjective et séquencés sous forme de vidéos, l’une faisant défiler l’ensemble des glyphes, l’autre les ossements. Une composition numérique faisant défiler ces deux séquences arrangées en un bloc unique par duplications et décalages temporels a alors été réalisée manuellement, sur des logiciels d’édition vidéo. Les images imprimées sont des captures d’écran provenant de cette animation.

Ces images finales cherchent donc à suggérer à la fois ce bruit visuel initial dont les éléments qu’elles contiennent sont issus, symbolisant le cycle du vivant, le processus entropique de dégradation et le retour inévitable à la poussière, mais évoquent également le gris optique d’une page de texte ou d’un bloc de code, matière brute également fondamentale au processus qui se déroule au cœur de l’intelligence synthétique en question.

Les os symbolisent également les données brutes, les milliards d’images “mortes”, toujours en ligne mais que plus personne ne consultent, constituant cependant la nourriture, la matière première de ces réseaux intelligents. Par ailleurs, les os sont la structure interne de l’homme, mais aussi ses premiers outils graphiques, instruments de musique et supports artistiques d’où ont émergé le langage écrit qui permet aujourd’hui l’émergence d’esprits synthétiques.

Voir aussi :
Paroi tactile
Séjour linguistique
Codecs gématriques